« Les Mues » est le nom du collectif composé des artistes interdisciplinaires Evelyne Bouchard et Nicole Panneton. Leurs pratiques respectives, processuelles, sont malléables et elles s’expriment par l’art performatif, relationnel, furtif et déambulatoire. L’une crée des situations interhumaines, l’autre laisse des traces personnelles. Elles s’unissent, dans ce collectif Les Mues, par leur pratique de la rencontre sensible, où les mues patientes manifestent la transformation et le renouvellement de l’instant partagé. Ce collectif dialogique souhaite se nourrir d’interactions : désir de ressentir la présence tangible de l’autre.
Animées d’une même volonté de rompre la solitude artistique relationnelle, où un quotidien trop confiné mine depuis mars 2020 leurs projets respectifs, elles s’engagent maintenant dans l’expérimentation d’une proximité nouvelle. Elles constatent que le contexte de distanciation, produit par la pandémie du Coronavirus, a installé un équilibre instable (un bilico, en italien). Période de transition et de transformation soudaine d’une pratique relationnelle (perte de repères), il est inévitable d’expérimenter et de rechercher à renouveler les manières d’entrer en relation avec l’autre.
Les questions sont :
Quelle matière relationnelle apporte les contraintes sanitaires combinées à celles de distanciations sociales qui occurrent présentement ?
Comment la pratique artistique relationnelle peut exprimer l’état des moyens interpersonnels en pleine mutation?
La thématique Bilico
est donc né de ces questions et réflexions qui ont suivi.
Lors d’un
échange sur zoom à l’origine du projet, nous en avons convenu de procéder
chacune à la création d’un objet transactionnel d’une forme très simple qui
nous transporterait doucement vers la réalisation d’un film d’animation. Le
protocole du projet, dont le fondement est l’absence de règles, est le
suivant : la création de deux objets ; une
rencontre sur une base hebdomadaire pour discuter et faire l’échange de l’objet
qui sera transformé librement, sans contraintes, par chaque artiste ; la collecte de traces de ces transformations, un cumul nourricier pour
la création du film d’animation. Ainsi, l’indécidable nous mène d’une rencontre
à l’autre par la transformation de l’objet. Les deux objets transactionnels
nous transportent d’une exploration à l’autre depuis le début. Objet bouée,
tambour, méduse, phone, pendule, tarot, territoire, etc. Il nous a été révélé
au fil de l’échange des objets transactionnels certaines différences, voire
même certaines oppositions que l’on doit voir comme des qualités qui nous
portent plus loin dans l’exploration : clair/obscur, transparence/opacité,
suspension/ancrage, addition/soustraction, repliement/expansion.
Le nom provient du mot « bilico » qui signifie
en italien équilibre instable. Essere in bilico, être en équilibre
instable. Son origine en est une particule, un morphe qui a surgi au début de
la transformation d’un des objets, « bil ». Et ce morphe nous a permis de définir
notre posture dans ce projet pour faire jouer notre territoire relationnel dans
un équilibre instable. Une histoire qui croît à la mesure des moments
d’exploration. Nous sommes parties du rien/vide pour jouer dans un équilibre
instable et finir au rien/vide. Ce sera la trame de notre film d’animation.